dimanche 20 septembre 2009

Révoltaire

Comme mes ancêtres mes entrailles, j'absous mes irréalités présentes, bâtissant un futur : mes mots seront plus que ceux d'avant, car je serai devenu dans mon absence un arbre grandiloquent; mais dans cette optique de grandiose, le manque premier de racines d'affiches tremble nos hêtres en de vastes secousses : il nous faut évoluer forêt et cesser les coupes à blanc, car c'est la nuit des longues tronçonneuses depuis des siècles dans ma nation étourdie, drogué de viols historiques et d'apathie d'elle-même.

C'est la savane blanche du séquoia mort; la marée s'agonise comme un grand garçon : morne de jouissances de plastic, de rut amer et de calques reproductifs de bêtises : l'horreur ne vaut pas un sou aux yeux de nos conquérants; le mépris fignolant leur foulard rance, mais la haine est ailleurs, comme mes rengaines ancestrales, c'est un désir d'avant en moi et de combler le vide guerrier.

J'ai un cœur grandi de remords étrangers; venez à moi peuples de tous les âges; venez à moi tristesses évolutives; venez à moi infimes qui rendez la poésie d'autrefois plus grande dans nos bouches, et la poésie d'aujourd'hui immense dans la leur; venez en blagues et en rires francs autour du feu; venez en amour fou étendu dans l'herbe, assieds sur les bancs, debout dans la rue.

Maintenant debout comme la foule devrait l'être, l'horreur affable qui sautille sur place : Elle sera jugée en ce décisif jet de dés : pile, elle tombe; face, j'écrirai encore, et je serai mon peuple comblé en une lumière trépidante, ma poésie de carton au bout d'un bâton en grandes lettres de colère pacifiste.

« Je ferai de ma poésie un engagement politique » - Gaston Miron

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